Le parti d’extrême-droite a obtenu 985 028 votes dimanche 6 avril, soit 20.46% des voix. Il aura 23 députés, soit 11,56% des 199 sièges du parlement.
Comme les sondages l’indiquaient dans la phase finale de la campagne électorale, le Jobbik a gagné du terrain. Avec 20,5% des voix, le parti est en progression par rapport à 2010 où il avait obtenu 16,7% des voix. Sa forte hausse est surtout due à une plus forte abstention (60% contre 64% en 2010). En nombre de voix, le parti passe de 836 774 en 2010 a 985 028 en 2014.
En revanche, la représentation parlementaire du Jobbik n’augmente pas par rapport à 2010 (12% des sièges), en raison du nouveau mode de scrutin.
La coalition des cinq partis de gauche – MSZP-EGYÜTT-DK-PM-MLP – a décroché, elle, 38 députés, dont 29 devraient revenir au parti socialiste MSZP qui reste donc bien le premier groupe parlementaire d’opposition, devant le Jobbik. Mais la suprématie territoriale de l’extrême-droite sur la coalition de gauche est presque totale : Jobbik arrive en seconde position dans 2165 localités, contre 808 pour la gauche.
En noir, les circonscriptions où Jobbik est arrive en 2e position (Index.hu).
Avec le Jobbik, Fidesz ne cesse de jouer au pompier-pyromane
Paul Gradvolh, historien spécialiste de l’Europe centrale, considère dans le « Nouvelobs » que Viktor Orban est un artisan de la progression de l’extrême-droite et fait la comparaison entre la liaison Fidesz-Jobbik et celle entre l’UMP et le FN en France :
« Le discours d’Orban en direction de l’UE « grâce à moi, l’extrême droite est réduite à la portion congrue en Hongrie » ne tient plus. La preuve est faite qu’il y a eu une croissance de l’extrême droite très forte dans le pays, ce qui est d’ailleurs logique. Nous avons d’ailleurs été témoins du même phénomène en France lors des derniers scrutins avec un discours de la droite française qui souhaite apparaître comme dure mais favorise le Front national. Lorsqu’on lui pave la voie, le carrosse de l’extrême droite roule plus vite ».
Dans la « Libre Belgique« , le sociologue Endre Sik (Tarki Intézet) estime que :
« le Fidesz est pyromane car face à une démocratie aussi tronquée, des actions violentes pourraient devenir le seul recours. A court-terme, la rhétorique de Fidesz a limité la marge de manœuvre de Jobbik, mais sur le long terme, cela pourrait causer plus de dégâts ». M. Sik craint que le système de valeur hongrois devienne « un mélange malsain de post-socialisme et de gouvernance autocratique, opposants des serfs et le précariat à une oligarchie et une bureaucratie d’Etat rapace ».
Mardi, le président du Jobbik Gabor Vona a appelé à un referendum de sortie de l’Union européenne, critiquant le double discours du Premier ministre Viktor Orban : combattant de la liberté à la maison tout en étant un « Yes Man » à Bruxelles. M. Orban n’a pas travaillé pour « protéger les terres de Hongrie, rouvrir les usines fermées, ou combler l’écart entre les salaires hongrois et européens« , a-t-il considéré.
Si le Jobbik est passé de 836 774 en 2010 a 985 028 en 2014, il a augmenté ses voix, et ce, malgré la baisse de la participation électorale.
Si le Fidesz a toujours autant, alors c’est la gauche qui a encore perdu des électeurs. C’est donc la gauche qui « favorise » la progression du Jobbik. Qui la favorise par son « incapacité » à rassembler les électeurs mécontents.
Bonjour,
Certes l’échec de la « gauche » est total et Jobbik a prospéré dessus en 2010. C’est un autre sujet. Elle est donc aussi évidemment responsable, mais à ses propres dépens.
C’est une responsabilité de nature bien différente de celle du Fidesz (qui a perdu 600 000 voix, au passage) qui a préparé le terrain à Jobbik par opportunisme politique, selon l’analyse des personnes citées dans l’article, en tout cas.
@ Corentin Leotard
Je pense que votre analyse n’est pas correcte (le fidesz aurait préparé la route par opportunisme politique) et je voudrais en apporter une autre plus détaillée.
Tout d’abord remontons au changement de régime, l’extreme droite est inexistante, Csurka qui sera le leader du MIEP premier parti d’extreme droite hongroise est alors au MDF. Décu du MDF, il fonde le MIEP en 1993 et le parti ne récolte que 1.59% aux élections de 1994 remportées par les « socialistes » (auxquels viendront se joindre les « libéraux » du Szdsz). A ce moment l’extreme droite est quasi inexistante. A noter quand meme la montée du FKGP, parti historique (vainqueur des élections d’après-guerre) mené par le tribun populiste Torgyan Jozsef.
Le paquet Bokros et l’austérité de ce gouvernement laisseront le pouvoir à une coalition menée par le Fidesz comprenant le MDF et le FKGP. Orban va jouer intelligemment pour élininer le FKGP et réduire le MDF, s’imposant comme le leader de la droite. A ces elections le MIEP receuille 250.000 suffrages soit 5.5% des votants et est donc au Parlement.
En 2002, la base électorale du MIEP est à peu près la meme : 245.000 votants, mais seulement 4.4% des suffrages exprimés. L’extreme droite n’a donc pas progressée sous le premier Gouvernement Orban. C’est à ce moment que le Fidesz a consolidé le socle de droite modéré soit environ 2 millions d’électeurs (ce qu’il retrouve à peu près en 2014).
Les élections de 2002 semblent entachées d’irrégularités et si le Fidesz laisse la place aux vainqueurs, quelques radicaux se mobilisent (blocage du pont Erszebet en 2002) pour demander un recompte des voies. Il semble que ce soit le véritable point de départ du Jobbik. Le mouvement mobilisera fortement pour le référendum sur la double nationalité pour les hongrois hors des frontières.
En 2006, le Jobbik et le MIEP sont associés et ne receuillent que 120.000 voies (soit 2.2%). Le rapport de force droite / gauche se situe comme en 2002 aux alentours de 2 millions de voies (avec un peu plus pour la gauche « socialolibérale »). Il est important de noter que la campagne de 2006 est d’une rare violence et que beaucoup d’électeurs du bloc de gauche voteront en fait contre Orban et non pour Gyurcsany, c’est une partie de ce socle anti-Orban qui va venir voter Jobbik.
Septembre 2006, le discours d’Öszöd est rendu public, ce qui va mettre le feu au pays, avec une frange violente qui va former une partie du socle militant du Jobbik. Après les « événements » du 23 octobre , le Fidesz a compris qu’il fallait se dissocier de cette frange. (j’ai participé à la manifestation organisée par le Fidesz le 4 novembre 2006 et suis venu renforcer « physiquement » leur service d’ordre pour empecher que des éléments du Jobbik avec leurs drapeaux « arpadsavos » ne rentrent dans les manifs). A partir de là le Fidesz n’a plus de lien avec le Jobbik.
Gyurcsany s’accroche au pouvoir, 4 années de perdues et tout le monde est dans l’attente du changement de parti. Le résultat exceptionnel du fidesz (2.7 millions de votants) est d’abord parce que le Fidesz n’etait vu que comme la seule alternative crédible aux socialistes.
Il suffit de voir la carte ci-dessus pour se rendre compte que là ou le Jobbik est fort c’est sur les anciens bastions socialistes. La réalité est que totallement décrédibilisés et dans l’incapacité de se renouveller, la gauche « anti-orban » a laissé la place au Jobbik. Ce n’est pas le Fidesz ou Orban qui ont ouvert la voie au Jobbik mais la gauche qui après avoir satanisé Orban et fait preuve de sa grande incompétence a laissé la voie au Jobbik. Le Fidesz est revenu à son socle de 2 millions d’electeurs, n’en a pas gagné de nouveaux. Le vote Jobbik est un vote à la fois anti-Orban et anti-socialiste.
Comme le dit Benjamin Walter (philosophe allemand 1892-1940) les fascimes ne progressent que sur les défaites de la gauche. C’est malheuresement encore le cas au XXIe siècle en Europe (France, Hongrie, …).
Merci à ceux qui auront lu jusqu’ici.
Üdv
Toniba
Hajra Magyarorszag, Hajra Magyarok!
Ben, non, les responsabilités de la Gauche, ce n’est pas un autre sujet, puisqu’il s’agit de savoir d’où vient le succès du Jobik.
Si le Fidesz a perdu 600 000 voix, c’est donc aussi son échec face au Jobbik.
@ Toni Bacsi
merci pour votre analyse.
L’échec total de la « gauche », c’est indéniable. Si la gauche ne s’était pas aussi lamentablement plantée, Jobbik n’aurait jamais pris cette ampleur, de meme que Fidesz ne serait pas aussi dominateur, c’est l’évidence même.
Mais, que V. Orban ne soit pas un des grands artisans – l’instigateur, comme il est parfois dit – de la droitisation/extreme-droitisation de la vie politique hongroise, c’est un constat qui va à l’encontre de bien des analystes politiques que j’ai pu rencontré, de gauche comme de droite.
Comment faut-il interpréter votre « Hajra Magyarorszag, hajra Magyarok » ?
- Comme le signe que vous appréciez particulièrement la Hongrie et ses habitants, comme nous tous sur ce site ?
- Comme celui lancé par le Premier ministre à la fin de ses récents discours du 23 octobre et du 15 mars, dans lesquels il a très explicitement divisé son peuple entre bons et mauvais Hongrois ?*
Auquel cas un « hajra Fidesz, hajra « Fideszesek »" serait plus approprié. On n’a pas le droit de s’approprier ce qui ne nous appartient pas, dans ce cas, la nation et ses symboles.
Ce n’est pas une question rhétorique. Ca me semble être un point crucial, car cela ne fait que diviser et accroître les tensions de part et d’autre.
cordialement
Corentin
* « Le combat des Hongrois pour la Liberté a eu ses héros mais aussi ses traîtres. Toutes nos guerres d’indépendance ont été défaites depuis l’étranger. Nous savons qu’il s’est toujours trouvé des personnes pour aider nos ennemis étrangers. [...] Les communistes ont vendu la Hongrie et le peuple hongrois aux financiers et aux spéculateurs internationaux. Nous savons qu’ils sont encore prêts à vendre la Hongrie aux colonisateurs. [...] Nous voyons qu’ils s’organisent à nouveau, ils se liguent à nouveau contre nous avec des étrangers, qu’ils sèment à nouveau les graines de la haine, de la discorde et de la violence. [...]« .
@Roland Pierret
Les responsabilités de la gauche méritent un article à part entière. C’est en cours…
corentin
Corentin,
Vous vous offusquez réellement du « Hajra Magyarorszag, Hajra Magyarok » en fin de message de Toni Bacsi ? Voici un de vos lecteurs qui réagit à votre article de manière détaillée, et vous ne lui répondez qu’avec un joli début de procès d’intention…
Le « Hajra Magyarorszag, Hajra Magyarok » est effectivement lancé en fin de discours par V. Orban. Cet homme est élu PM, il est dans son rôle en se plaçant au dessus des partis. Il est censé se battre pour l’intérêt général du pays (Hajra Magyarorszag) et de tous les hongrois (Hajra Magyarok). Il a de la cohérence, au moins dans ses propos !
Qui doit donc décider de la bonne utilisation du « Hajra Magyarorszag, Hajra Magyarok » ? Toni Bacsi est sûrement coupable. Mais quand la gauche le dit, est-elle fautive aussi ?
SVP, pas de culpabilisation ni procès d’intention, sinon la Hongrie va vite ressembler à ce pays, dans lequel porter le drapeau bleu-blanc-rouge est stigmatisé, et celui qui chante la Marseillaise taxé de raciste.
Merci
JP
JP,
non, je ne suis pas du tout offusqué et il n’y a aucun procès d’intention.
Si j’étais susceptible croyez-vous vraiment que je laisserais aussi ouverts les commentaires sur ce site ?
Tous les avis sont bienvenus ici dès lors que c’est dans le cadre de la loi et fait avec courtoisie, ce qui est le cas ici.
je sais parfaitement que cette formule n’est pas l’apanage de VO.
Je pose la question car la réponse m’intéresse sincèrement. Beaucoup de gens qui ne sont pas Fidesz se sentent petit à petit dépossédés de leur pays. A raison (Cf. les derniers discours de VO).